Le 15 juin 2021, le Directeur général annonçait la fermeture des centres techniques de la BnF, Bussy-Saint-Georges et Sablé-sur-Sarthe. L’annonce était attendue avec inquiétude par les personnels mais sans réelle surprise, la Direction décidait de tourner la page, d’effacer les investissements publics réalisés il y a un peu plus de 25 ans pour les deux sites et surtout de bouleverser la vie professionnelle et familiale de près de 70 agents de la BnF.
Les centres techniques : une histoire mouvementée
Le Château de Sablé a ouvert ses portes en 1981 et a compté jusqu’à environ 90 agents. Des travaux ont été réalisés pour permettre, entre autres, l’installation d’ateliers de restauration et de reproduction où en 2021, 40 collègues travaillent principalement sur les collections des départements spécialisés. Le bâtiment doit faire l’objet de remises en état (toiture et façade) et aux normes.
Dès l’installation, la question de l’entretien du château et des difficultés d’aménagement ont nui au développement de Sablé mais surtout la BnF n’a jamais été capable de déterminer une politique de conservation stable et à long terme pour ce site. La réflexion sur son avenir s’est donc posée entraînant un moratoire des emplois ces dernières années.
Le Centre technique de Bussy a été construit en 1995. Les parcelles du site sont partagées avec le CTLES (Centre technique du livre et de l’Enseignement supérieur) qui conserve également des collections au bénéfice des bibliothèques universitaires. Les coûts d’achat du foncier ont été répartis entre les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture (32 millions d’euros). Les parcelles avaient vocation à accueillir des extensions supplémentaires visant à doubler les surfaces bâties. Le CTLES a d’ailleurs construit un nouveau bâtiment en 2016. Le site accueille des magasins (dont de grandes hauteurs), des ateliers de conservation et un laboratoire. 30 collègues travaillent actuellement à Bussy. L’effectif prévu initialement était de 172 agents, réduit à 129 en 1995 mais jamais atteint ; en 1999, 55 agents étaient présents à Bussy, le maximum est atteint en 2002 avec 65 agents puis l’érosion commence.
Depuis 1995, les changements d’usage du site ont été nombreuses : conservation de sécurité du 2e exemplaire du dépôt légal (arrêtée en 2003), projet du traitement de masse en conservation à grande échelle (jamais réalisé), conservation des collections déplacées dans le cadre du chantier de Richelieu, etc. L’administration, sans jamais réussir à définir une stratégie claire pour des activités changeantes au fil des années et sans les investissements pérennes, a laissé péricliter le centre. Ces difficultés ont compromis le bon fonctionnement et dégradé les conditions de travail des personnels.
Les enjeux immobiliers : un sujet central en défaveur de Bussy et Sablé
La fermeture des centres techniques de Bussy et Sablé doit se comprendre à l’aune de la politique immobilière de l’établissement, elle-même dictée par la stratégie de l’Etat.
Dès 2009, l’Inspection générale des finances (IGF) demandait à la BnF de « rationaliser et optimiser son parc immobilier » (voir ici ). Déjà, l’immeuble du 10 rue Colbert et les annexes de Versailles avaient été libérés puis le site de Provins fermé et la Galerie Colbert cédée à l’INHA. En 2012, le 6 rue Colbert et les 61 et 65 rue Richelieu étaient évacués, le bâtiment accueillant le département de la Musique square Louvois devrait bientôt suivre.
Conforme aux recommandations de l’Etat, la stratégie de l’administration s’attache à réduire le parc immobilier de la BnF et à l’optimiser selon trois axes : moins de sites, moins de location, densification et valorisation des sites pérennes. Les ministères de la Culture et des Finances « encouragent la cession des biens afin de dégager des produits de cession ».
Dans le cadre du Schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) et dès 2015, le château de Sablé a fait l’objet de réflexions qui toutes s’accordaient à s’en séparer car d’après les services de l’Etat, trop cher à entretenir et sans réelles perspectives sérieuses. C’est pourquoi, malgré une délocalisation des activités à proximité un temps envisagée mais finalement abandonnée, la Direction s’est décidée à quitter définitivement Sablé.
Pour Bussy, la réflexion a commencé en 2013 avec une étude sur la saturation des magasins et les difficultés de fonctionnement avec, entre autres, l’arrivée massive des collections spécialisées due au chantier de rénovation de Richelieu. D’autres inconvénients ont été identifiés comme les problèmes d’accès au site par les personnels, les navettes de collections, la remise aux normes du bâtiment, etc. Néanmoins, jusqu’en 2019, la construction de nouveaux entrepôts était toujours envisagée et avait d’ailleurs la préférence des tutelles de la BnF qui privilégiaient le centre de Bussy au choix d’un nouveau site, en priorité pour des raisons budgétaires (environ 30 millions d’euros d’investissement pour un nouveau bâtiment à Bussy).
La nouvelle stratégie immobilière de la Direction signe la fin de Bussy et Sablé
En 2020, les décisions s’accélèrent. Le rapport réalisé sur le centre de Bussy dresse une « tentative de bilan » peu favorable. On comprend à sa lecture, que Bussy pourtant créé et dédié à la fonction de conservation ne recueille pas ou plus les faveurs de l’administration. Elle préfère finaliser un projet complètement nouveau avec lequel Bussy et Sablé ne pourront pas rivaliser. Le nouveau site ne sera plus seulement un espace de stockage mais aura vocation à devenir un Conservatoire national de la presse. Le marketing est bien ficelé et ne peut que plaire aux ministères d’autant plus avec l’AMI, Appel à manifestation d’intérêt, qui autorise à trouver des financements auprès des collectivités territoriales. Pour rappel, le coût du projet est estimé entre 70 et 90 millions d’euros (30 millions pour la collectivité, 30 millions pour le Ministère de la culture, le reste pour la BnF). Ce montage financier satisfait les tutelles puisque le budget consacré par l’Etat ne devrait pas dépasser les 30 millions d’euros déjà envisagés pour l’extension de Bussy.
Pour le centre technique et la collectivité territoriale de Bussy, l’ampleur et la nouveauté du projet écartent de façon certaine la possibilité de maintien du site. En faisant évoluer son projet de façon ambitieuse avec l’idée d’un Conservatoire national de la presse, la Direction de la BnF a clairement entravé la pérennisation du site de Bussy (Sablé étant pratiquement déjà écarté).
Pour Bussy et Sablé, c’est la fin d’une histoire de plus de 25 ans. La Direction peut être satisfaite, tout à son nouveau projet grandiose. Mais pour les agents de Bussy et Sablé, une période d’incertitudes commence.
Quel avenir pour les personnels de Bussy et Sablé ?
Lors du comité technique de mars 2021, la Direction a dévoilé le dispositif d’accompagnement des agents concernés par la fermeture des 2 sites. En 2024, un arrêté de restructuration définira pour une durée de trois ans les modalités d’accompagnement des agents : priorité de mobilités, congé de conversion professionnelle, mesures salariales, etc. Cet arrêté est nécessaire pour bénéficier des aides financières (prime de restructuration de service, etc.). Ce dispositif sera porté par la DdRH et ne peut être, réglementairement, mis en œuvre que dans les trois ans précédents la fermeture des services.
Dès le mois de juillet 2021, la DdRH a mené des entretiens avec l’ensemble des agents mais ceux-ci n’ont pas vraiment rassurés. En effet, les personnels ont été invités à être « pro-actifs », à effectuer eux-mêmes les démarches, faire leur propre veille sur les postes vacants, etc.
Bref, un accompagnement qui commence mal et très éloigné des besoins des personnels. La CGT a d’ailleurs toujours douté des capacités de la DdRH à mener efficacement cet épineux chantier.
Pour les personnels de Bussy et Sablé, la CGT porte les revendications suivantes :
Les personnels n’ont pas à subir les politiques chaotiques de l’administration : décentralisation dans les années 80, rationalisation immobilière des années 2010-2020, projet dispendieux à l’horizon 2030.
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