Déclaration de la CGT-BnF : la filiale BNF-partenariats menace l’accès de tous à la numérisation du patrimoine !
Dans son communiqué du 15 janvier 2013, signé avec Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, et Bruno Racine, président de la BnF, Aurélie Filipetti «se félicite de la conclusion de deux nouveaux accords de numérisation et de diffusion des collections de la BnF», sous la forme «d’accords de partenariat, conclus par sa filiale BnF-Partenariats». Issus de «recommandations formulées ces dernières années par plusieurs rapports français ou européens», ces accords «s’inscrivent pleinement dans le cadre global de la politique active de numérisation et de diffusion voulue et encouragée par Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication»
Par cette déclaration, la Ministre a validé un des aspects les plus controversés de la politique de la direction de la BnF, à savoir la numérisation par des « partenaires privés » de collections tombées dans le domaine public et leur accès distant payant. C’est une entreprise inédite de privatisation du patrimoine public. Or en juillet 2012, La ministre, interpelée par la CGT lors du comité technique ministériel, avait clairement fait part de sa forte opposition aux partenariats public privé (PPP) pour la numérisation du patrimoine culturel. Elle affirmait alors que l’argent public ne devait pas financer le secteur privé sur ce type de projet. Il semble que le catastrophique budget 2013 (-2% par rapport au budget 2012) de son ministère l’ait amené à se rallier aux vues de son prédécesseur sur la commercialisation du patrimoine numérisé. La CGT- BnF se bat contre ces projets depuis plus d’un an et n’a cessé de prévenir contre leur nocivité.
► Des projets initiés par le gouvernement Sarkozy
Le modèle économique de ces deux projets déjà signés est politiquement inacceptable mais aussi économiquement inopérant. Des millions d’euros d’argent public seraient versés à la filiale de la BnF qui cofinancerait chaque projet avec un partenaire (peut-être à hauteur de 50%). Le « partenaire » numérise des fonds de la BnF, selon des critères et des procédures négociées de gré à gré entre la filiale et lui. Il obtient surtout l’exclusivité de la commercialisation de cette numérisation pendant une période de dix ans (trois ans de plus que la recommandation du comité des sages de l’Union européenne) dont il reverse des miettes à la BnF sous forme de royalties. Ces dizaines de milliers d’euros estimées sont l’alibi de la filiale : ces sommes permettraient la poursuite de la numérisation accessible sur Gallica. Qui peut y croire, alors que le montant total des marchés de numérisation à la BnF se chiffre en millions d’euros ?
Cette politique prend place dans le cadre d’une baisse continue et importante des subventions pour notre établissement depuis des années (-4,4 millions d’euros pour 2013). Cela signifie-t-il à long terme, un désengagement progressif de l’Etat concernant la numérisation au profit des PPP?
► Des projets dangereux pour la démocratie culturelle
De plus, la BnF n’a plus son mot à dire sur la passation de ces marchés ni sur leur exécution, contrairement aux marchés publics où le prestataire engagé par contrat est obligé de respecter les clauses prescrites. Ce ne sera pas le cas ici et la BnF sera pour la première fois incapable d’assurer la protection de ses collections pendant leur numérisation. La BnF n’aura pas plus la maîtrise des collections numériques qui en seront issues : pendant dix ans la totalité des collections numérisées dans ce cadre ne seront consultables gratuitement qu’à Tolbiac, en mode lecture au niveau recherche (sauf 5% des documents pour le projet Proquest, accessibles en ligne). L’accessibilité à distance de ces documents du domaine public, comparables à ceux que l’on trouve déjà gratuitement sur Gallica, ne sera possible pendant 10 ans qu’en payant pour accéder à la plateforme du « partenaire ».
C’est un recul sans précédent. Pour les milliers de chercheurs du Rez de jardin, l’apport essentiel de la numérisation (la mise à disposition à distance des fichiers et leur téléchargement) est restreint par ces projets puisqu’ils devront consulter ces documents en salle comme n’importe quel document matériel. Pour les millions de gallicanautes, c’est leur interdire un pan entier du patrimoine. Croit-on vraiment que les particuliers paieront pour des documents du domaine public, 15 ans après le lancement de Gallica, dont le succès ne se dément pas en 2012 avec 12 millions de connections ?
► Des projets qui vont peser sur le quotidien des agents
Si la BnF est exclue du contrôle des opérations, en revanche ses agents sont largement sollicités sans que cela modifie leur fiche de poste : rédaction de projets, listes de documents, réunions concernant les spécifications techniques de la BnF, autant d’activités en plus pour certains agents dans le contexte des suppressions de postes que subit l’établissement depuis 2008. C’est ainsi faire travailler des agents publics pour les objectifs d’entités privées, ce qui est une première. Pour certains secteurs déjà en surchauffe par manque de personnel, cela augmente la tension. Et demain, ce seront les agents de la BnF qui prélèveront les 70 000 livres anciens et les centaines de documents audiovisuels, feront les lots et les remettront au « partenaire ». Comment savoir si cette opération ne sera pas traitée prioritairement par rapport aux programme de numérisation de la BnF, voire même ne se substituera pas à terme à elle ?
Pour toutes ces raisons, la CGT-BnF s’oppose radicalement à ces projets et revendique:
• Le démantèlement immédiat de la filiale BNF-partenariats et l’arrêt des projets en cours
• L’accès gratuit sur Gallica à toutes les œuvres libres de droit
• Un budget à hauteur des missions permettant une véritable numérisation de masse
La CGT-BNF s’adresse à tous les syndicats, associations professionnelles et agents qui ont fait part publiquement de leur opposition au projet de partenariat public privé via la filiale de la BnF. Elle leur propose de construire ensemble, au niveau national, la riposte nécessaire pour mettre fin à ce projet ne répondant pas aux valeurs du service public que nous défendons.
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