“L’exception culturelle à la française”, demain sera-t-il pire qu’hier ?
En 30 ans le PIB, ou en d’autre terme la richesse produite annuellement en France, a doublé. Un des dispositifs permettant de redistribuer cette richesse, au-delà de la question du salaire, est le financement de l’action publique en faveur de la population en particulier au travers des services publics. Or loin de suivre l’évolution du PIB, nous assistons depuis 30 ans, et avec une très nette accélération ces dernières années, à des coupes budgétaires sans précédent dans les budgets de l’Etat. A titre d’exemple, depuis 2009 la BnF a perdu plus 300 emplois et plusieurs millions de crédits.
Triste paradoxe, si la France reste le 7ième pays le plus riche de la planète, de l’autre, ses services publics dont la BnF, troisième plus grande bibliothèque au monde de par ses collections patrimoniales, subissent des baisses drastiques de budgets et des suppressions de postes répétées. La situation de l’hôpital public, en particulier des urgences, est devenue ces dernières années et semaines symptomatique de ce désengagement de l’Etat.
La culture a joué un rôle essentiel durant le confinement, mais…
C’est désormais enfoncer une porte ouverte que de répéter combien les initiatives du monde de la culture sur internet ont été importantes, généreuses et nécessaires à la population pendant la période de confinement. Néanmoins, cette crise a aussi souligné combien les lieux physiques de ces échanges étaient essentiels à chacun. Cinémas, salles de spectacles, librairies, bibliothèques, musées… autant d’espaces que la dématérialisation n’a pu remplacer.
A ce titre, la politique engagée par la BnF pour numériser ses collections ne doit pas se substituer à un accès physique aux documents dans un lieu partagé : la salle de lecture. La vie d’une bibliothèque ne peut en effet se réduire à une consultation dématérialisée de ses ressources, c’est aussi un lieu de vie, de sociabilité et d’échanges, en particulier entre les lecteurs et les professionnels qui y travaillent.
Cette question de l’accès aux documents se pose aujourd’hui de façon prégnante à la BnF pour plusieurs raisons. En 10 ans les budgets dédiés à la conservation et à la restauration des collections ont subi des baisses vertigineuses (5,6 millions d’euros en 2009 contre 2,1 millions en 2019), alors que les crédits consacrés à la numérisation atteignent 5 millions par an. Concrètement, cela signifie un nombre grandissant de documents incommunicables du fait de leur état de délabrement.
Que dire également de la politique immobilière engagée par le ministère de la Culture et la direction de la bibliothèque visant à brader un certain nombre de locaux et d’éloigner les collections loin de Paris et donc des salles de lecture. Cette stratégie de vente ou de location des espaces appartenant à la BnF est évidemment la réponse technocratique et comptable d’un désengagement de l’Etat qui ne veut pas dire son nom.
Aujourd’hui, après deux mois de confinement, il faut par contre prendre le temps de réouvrir l’ensemble des espaces culturels y compris la BnF en garantissant de façon optimale la sécurité des personnels et des usagers.
Quelles perspectives pour demain ?
Afin de parler du « lendemain », nombreux sont ceux qui évoquent la reconstruction faisant suite à la Seconde Guerre mondiale ou à l’immense crise économique de 1929. Pourtant, au-delà des politiques mises en place à l’époque, rares sont les commentateurs qui soulignent l’importance des mouvements sociaux et des organisations syndicales qui ont imposé bon nombre de réformes et d’actions en faveur de la population. Pour ne parler que de la France, la sécurité sociale avec ces différentes branches (maladie, retraite, famille) créée en 1945 doit beaucoup à l’action de la CGT. De même les avancées sociales des années 30 n’auraient pu se faire sans la mobilisation des travailleurs et de leurs organisations, en particulier au travers des grandes grèves de l’époque, dont celles de 1936.
Quand est-il aujourd’hui ? Le monde du travail et la population vont-ils, une fois encore, avoir à payer l’essentiel de la crise ? Une petite musique se fait déjà entendre : augmentation du temps de travail, licenciements, coupes budgétaires dans les services publics… On le voit bien, si les richesses accumulées ces dernières décennies sont considérables (en terme de patrimoine, les 10% de Français les plus aisés détiennent la moitié des richesses du pays) rien ne présage qu’une mise à contribution des plus riches ne soit envisagée.
La CGT, forte de son analyse et de son histoire, sait qu’il est possible d’imposer un autre modèle. Depuis toujours elle est, avec ces différentes composantes (la CGT Culture, la CGT Spectacle, la CGT du Livre, etc.), la première organisation syndicale du monde de la Culture et participe activement, avec les professionnels du secteur, à écrire une histoire singulière aussi appelée « l’exception culturelle à la française ». Face aux logiques marchandes et de profit, nos combats pour le maintien et le renforcement de la diversité culturelle, son accessibilité à toutes et tous, l’existence d’un ministère et d’un service public de la Culture, la défense du statut des intermittents et des professions, etc. sont plus que jamais d’actualité.
Néanmoins, cette capacité à inventer un autre modèle doit aussi nous interroger sur des changements plus globaux. Ceux-ci devront nécessairement être sociaux et écologiques, mais ne pourront se faire sans une très large mobilisation du monde du travail et sans un renforcement durable des organisations syndicales combatives qui portent cette exigence de rupture. Sans cela, il est à craindre que demain soit bien pire qu’hier.
Tribune publiée dans la presse le 13 mai 2020 à voir également ici.
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